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Partage de textes et d'images au gré des envies et de ma vie : Poésie, Fragments, Photographies dans le Pele Mêle de nos vies : Tendresse, Amour, Rêves, Beauté du monde

15 Jul

Avis de tempête

Publié par Kainto  - Catégories :  #Fragments


    Dans quelques jours ce sera l’an 2000, les précautions sont prises contre le bug et contre les fanatiques de tout poil. La fête sera unique. Parmi toutes les informations de la journée les images des inondations, de cette grue tombée sur un immeuble et celles d’un bateau qui agonise dans un bain de sang noir. La nuit a caché aux parisiens les dégâts du vent mais le réveil est terrible. Nous n’irons plus dans les bois de Versailles ou de Vincennes, les arbres sont enchevêtres, déracinés, couchés. J’admire ce cirque qui va se battre pour tout remettre en ordre, le spectacle continue, à quel prix ?

    A la manière des séismes et de leurs répliques, une seconde vague va traverser la France. Je sais maintenant le danger des vents de plus de 150 km/h, mais le jour de l’annonce personne n’a réellement pris conscience de ce que va être notre nuit de fin d’année. Tout le monde veut croire à la grande fête de l’an 2000. C’est la télévision qui nous donne les signes avant coureurs de ce que sera la nuit. Mais c’est par l’absence d’image que je comprend qu’il faut prévoir quelque chose de sérieux. Le téléphone nous permet de savoir comment les choses évoluent. A Bordeaux mon frère a toujours la télévision et l’électricité. Les images qu’il décrit sont invraisemblables : la verrière de la gare de la Rochelle est en morceaux, sur les parkings tout ce qui n’est pas attaché commence à s’envoler, percutant par la même les pare brises des voitures.

    Nous commençons l’inventaire des bougies et lampes de poche au cas où. A 20 heures nous avons toujours le téléphone, Bordeaux est au cœur de la tourmente, un scooter vient de traverser le parking. La coupure d’électricité que nous avons depuis un petit moment n’est pas du à un problème de transformateur. C’est le réseau tout entier qui s’est retrouvé à terre. Nous savons pas encore l’étendue des dégâts mais je sais que nous n’aurons pas la lumière ce soir. L'habitude que rien ne dure nous fait penser que demain tout reviendra en ordre.

    Pendant ce temps des camions bleus et rouges ont commencé un ballet qui ne cessera pas de la semaine. Les hommes d’EDF sont impuissants face aux transformateurs qui sont hors d’état et surtout face aux câbles qui se promènent à même le sol. Les pompiers sont partis à 17 h dans ce qui sera leur pire nuit d’intervention. Ils vont se battre contre le vent qui leur fait tomber les arbres sous le nez. Tous ces hommes et femmes qui seront en intervention toute la nuit assistent à une répétition générale de ce qu’ils croient être l’apocalypse.

    A la maison le téléphone est désormais silencieux. Nous sommes maintenant seuls avec les informations de la radio. Par le grenier mon père est allé voir l’étendue des dégâts sur le toit. Je sais que la maison souffre je le sens mais je sais aussi qu’elle va tenir. Une impression très subjective pour ne pas penser au pire mais c’est cette certitude qui va nous permettre de rester calmes et d’attendre. Le bruit des assauts du vent est terrible, la charpente bouge tremble, craque mais elle tient bon. Tout le monde n’aura pas cette chance. France inter nous permet de suivre l’évolution de la tempête. Les quais de Bordeaux sont inondés et le long des routes des personnes ouvrent leurs portes à ceux qui étaient à ce moment là su la route. Dans la maison c’est le silence, nous avons tous la même question : quand cela va t’il s’arrêter ? Il faut de toute façon attendre le lendemain pour évaluer l’importance du sinistre mais personne ne souhaite aller au lit, pas encore. A 22 h le vent faiblit en bord de mer, je calcule rapidement qu’il devrait faiblir chez nous dans deux heures. Vers minuit nous décidons d’aller nous couché même si mes prédictions ne se sont pas encore vérifié. Un dernier coup d’œil dans le grenier, le toit a tenu jusque là, il ne pleut pas, croire qu'il n’y a pas de souci à se faire. Cette expérience me ramène quelques années en arrière lorsque la grêle avait tout balayée sur son passage. Toute la nuit les pompiers seront sur la brèche, épuisés, ils n’osent même pas pensé à ce qui peut être arrivé à leurs domiciles. On bâche un toit ici, on libère la route par là.

 
    A 7 h du matin tout le monde est réveillé pas envie de sommeil aujourd’hui. Premier coup d’œil à l’extérieur , tout à l’air normal. A regarder de plus prés tous les arbres encore debout sont penchés et le cri du coq est remplacé par celui des tronçonneuses. Comme bon nombre de personnes qui ont un commerce, mon père part évaluer les dégâts. Je vais avec lui même si dans la voiture nous ne parlons pas beaucoup. A peine partis la route nous est barrée par un arbre puis des câbles électriques, la route va être plus longue que d’habitude. L’état des maisons me rappelle plus que jamais le spectacle qui avait suivi la grêle. Tout est à terre, comment pourrons nous avoir l’électricité ce soir ?

 

    Arrivé devant les lieux le réconfort est maigre mais rien n’a bougé. Nous allons acheter des piles neuves et un peu de pain. Il n’y a pas de raison de céder à la panique après tout le reste du pays n’est pas touché et des hommes s'organisent.

    Je suis encore surpris que ces journées perturbées n'ont pas inspirées plus de monde. Il y avait pourtant de la matière entre les élans de solidarité et les réflexes primaires. Un texte écrit dans les mois qui ont suivis pour ne pas oublier. Un texte pour tous les hommes et femmes qui sont là quand rien n'est plus, pour leur courage et pour notre manque de consédération à leur égard.

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K
C'est, malheureusement, souvent les catastrophes qui nous réveillent et nous font  redécouvrir certaines valeurs..la solidarité, la bienveillance, l'entraide.Et puis... "on se rendort"..."on retourne au lit"... à moins que cette fois si on se décide : "J'ai trop dormi, et demain je ne voudrais pas..."      C'est un très beau texte.Bon week-end
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K
Merci de ce com tout à fait en adéquation avec l'objectif. Ce texte me tient à coeur et je suis ravi de voir qu'il a des admiratrices.

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